Aujourd’hui, Alain Juppé a convoqué un Conseil exceptionnel de Bordeaux Métropole afin d’évoquer la politique du logement et la pression immobilière à l’œuvre dans notre ville, afin de mesurer précisément la situation et surtout d’adopter un plan d’actions cohérent dans les années à venir. L’enjeu est majeur : grandir, continuer d’accueillir de nouveaux habitants en proposant des logements accessibles à tous les ménages. J’ai souhaité vous en parler ici, en faisant un bilan de la situation et en rappelant nos mesures qui visent à construire pour répondre aux différentes formes de demandes.

Flambée des prix : oui à l’achat, non à la location

En matière d’immobilier neuf : après une période de stagnation, les chiffres des promoteurs font apparaitre une hausse de 7% amenant le prix moyen du m² neuf aux alentours de 3800€ sur Bordeaux. La première couronne reste aussi attractive et ce n’est qu’en s’éloignant en deuxième couronne qu’on voit les prix baisser légèrement. Par ailleurs, les stocks à commercialiser baissent ce qui signe un temps de commercialisation raccourci, lui-même témoignant de l’attractivité soutenue de notre marché. La question du prix du foncier reste centrale ; le marché est si attractif que tous les promoteurs cherchent à s’y implanter. Ainsi tout foncier mis sur le marché reçoit parfois jusqu’à 50 propositions d’achat (!!!), incitant les propriétaires à valoriser au maximum leur bien, et les promoteurs à surenchérir pour capter le bien. De plus, les promoteurs calculent leurs équilibres sur la base des densités maximales du PLU, bien que sachant que la réalité est toujours inférieure, compte tenu notamment des exigences des riverains lors des concertations.

Une conférence du foncier, pilotée par mon collègue Jacques Mangon, propose de travailler sur ces deux problèmes, en appelant les promoteurs à une régulation, à travailler plus en amont des négociations avec les maires afin de déterminer les densités admissibles, puisque celles du PLU ne sont pas appliquées de fait. Dans le cadre de la conférence du foncier, est actuellement évoquée la possibilité d’appliquer la valeur vénale du bien pour négocier les prix (moins chère que la valeur projet la plupart du temps) et d’une préemption métropolitaine dès lors que le prix serait au-delà de 140% de cette valeur vénale, pour limiter les possibilités d’envol des prix. Il sera nécessaire toutefois de vérifier que cela n’aboutit pas à de la rétention foncière…

Le travail mené par la métropole, notamment pour favoriser l’accession maîtrisée, permet toutefois de produire une offre à un prix plus compatible avec les capacités financières des acquéreurs (20 à 30% moins cher que le marché, sous les 3000€/m²). Ceci se fait toutefois en luttant constamment avec les opérateurs pour conserver les prestations et superficies attendues malgré les prix de sortie contenus, pression qui devra être maintenue sous peine de créer pour l’avenir de notre agglomération un parc de logements peu qualitatifs…

Un nécessaire rééquilibrage entre propriétaires occupants et investisseurs permettrait de limiter l’envol des prix. Pour autant, les investisseurs assurent aujourd’hui un volume d’offre qui répond aux besoins de la métropole, qui doit s’organiser pour accueillir l’augmentation constante de la population. Il s’agit donc de trouver le bon équilibre pour ne pas provoquer une pénurie et une hausse des prix plus forte encore.

En matière d’immobilier ancien : nous avons peu de prises sur ces questions qui restent du domaine de l’offre privée et fonctionnent selon la loi de l’offre et de la demande, qui s’avère forte aujourd’hui au vu de l’attractivité du territoire. Toutefois les observateurs (notaires notamment) rapportent en effet des hausses spectaculaires des prix au m² selon la localisation, en particulier sur Bordeaux Centre et les communes/quartiers résidentiels.

En matière de marché locatif : il faut rappelé que l’observatoire des loyers a montré une certaine stabilité des prix moyens de l’offre sur le territoire (environ 11€/m² en secteur privé – avec des pointes à 13/15€ pour les petits logements, contre environ 5 à 6€/m² en logement social).

Pour mémoire, depuis la loi Alur (2014), les hausses des loyers à la relocation sont encadrées et ne peuvent donc plus « flamber ». C’est uniquement sur les premières mises en location que l’on peut donc trouver des dérapages mais bien entendu elles ne représentent qu’une faible part du marché. C’est pourquoi à ce jour il n’est pas apparu utile de mettre en place un encadrement des loyers. En effet, cette mesure mise en place uniquement à Paris et Lille, a fait l’objet d’un bilan mitigé : environ 50% de non respect de la mesure sur Paris, plutôt aux alentours de 25% sur Lille, avec en contrepartie un investissement important des communes en matière de moyens de contrôle (ressources humaines notamment). De plus, il est rappelé que le tribunal administratif vient d’annuler les dispositifs lillois puis parisien…

En revanche, on peut considérer que le marché souffre davantage de pénurie de biens que de hausse exagérée des loyers.

De fait aujourd’hui nous manquons beaucoup d’offre quelque soit les superficies concernées (T1/T2 ou famille).C’est plus sur le fait de dégager de l’offre (par exemple en limitant les possibilités de réaliser des locations Airbnb) que sur les prix qu’il semble aujourd’hui opportun d’agir pour améliorer la situation actuelle.

Un objectif majeur : développer les différentes offres

En matière de logement social : la question de la production de logement social ne fait plus tellement débat au sein de la métropole : toutes les communes ont réalisé les efforts nécessaires à une amélioration de leur situation au regard de la loi SRU (25% en 2025), avec des résultats d’autant plus probants que la commune est petite (effet de masse). Nous avons toutefois toujours une file d’attente de 26 000 demandeurs d’attribution d’un logement social… Le besoin reste donc fort (il correspond à 8 à 10 ans de production neuve) et la métropole poursuit sa politique volontariste, avec près de 3500 logements autorisés chaque année (plus d’1/3 de l’offre Nouvelle Aquitaine).

Cette politique pourrait toutefois être mise à mal par les récentes décisions nationales : baisses des aides de l’état « aide à la pierre » dès 2017 de 20% au niveau national, ponction sur les budgets des bailleurs sociaux via l’obligation de baisser les loyers, incitation voire obligation de la vente HLM, qui pourrait venir amoindrir le parc existant et donc l’offre actuelle…

En matière de logement étudiant : dans le cadre d’une croissance continue des effectifs étudiants ces dernières années (+39% en 15 ans), la problématique du logement étudiant est particulièrement prégnante cette année. Pour mémoire, la spécificité est la décorrélation entre les lieux d’études et de résidence qui place la ville centre, déjà soumise à de grosses pressions en matière de logement, dans une situation de pénurie forte, malgré un développement fort du logement étudiant conventionné sur la ville.

En matière de prospective, le besoin global devrait suivre la même tendance sur les années à venir (+30% dans d’ici 2030, soit une prévision de 120 000 étudiants sur la métropole).

Il convient donc de poursuivre le développement de l’offre conventionnée (loyers intermédiaires entre logement social et logement libre) tout en surveillant celui de l’offre privée (résidence étudiante), trop chère pour les budgets des étudiants et créant ainsi de la fracture sociale. Concernant le logement en diffus privé, nous espérons que l’intervention sur le phénomène AirBnb (cf infra) permettra de recréer une part d’offre supplémentaire.

En matière de logement privé ancien: sans que l’on soit aujourd’hui en réelle capacité d’estimer le volume de façon fiable, le phénomène Airbnb et autres plateformes s’est développé de façon exponentielle sur Bordeaux avec l’explosion de l’attractivité notamment touristique de la ville.

Si le principe de location ponctuelle de sa résidence principale ne pose pas de problème, en revanche pour des propriétaires investisseurs le rendement de ce mode locatif est bien plus élevé que dans une location classique avec un bail à moyen ou long terme, même avec des périodes de location plus faibles, et le bien reste quand même libre pour un usage personnel en résidence secondaire. Ce phénomène étant concomitant avec les difficultés de logement rencontrées notamment par les étudiants, voire les familles, il semble évident qu’il a eu pour conséquence une éviction d’une partie de l’offre traditionnelle au profit des courts séjours.

Ce phénomène est désormais encadré par des délibérations métropolitaines et municipales, qui permettront dès la mise en œuvre de l’équipe dédiée (mars prochain), à la fois de mieux connaître et caractériser la tendance, et surtout de la limiter.

En matière de logement privé neuf : beaucoup de programmes sont prévus dans les grandes opérations d’aménagement sur Bordeaux (Bassins à flot, Ginko, Brazza, Niel, Eurtlantique…) qui permettront de continuer à alimenter l’offre nouvelle, en sachant que la part des investisseurs reste forte, là où l’on souhaiterait plus de primo accédants, qui garantissent notamment un meilleur entretien des biens, et une implication plus grande dans la vie de quartier.

La question du rythme de production de ces opérations est toutefois posée.

Lors de sa dernière conférence, et en accord avec les courriers qu’elle nous avait adressés, la Fédération des Promoteurs Immobiliers a annoncé vouloir davantage cibler ce public d’accédants, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Cela pourrait limiter les surenchères dans ce domaine. Leur volonté restera toutefois à évaluer sur le long terme… Parallèlement, Ville de Bordeaux et la Métropole, avec leurs dispositifs d’aide aux primo-accédants conditionnée à la labellisation des biens à prix contenus sous 3000€, ont réussi à faire émerger une offre croissante au sein des opérations neuves (près de 2900 logements labellisés depuis la mise en place, 400 en 2017).

Cette flambée des prix de l’immobilier à Bordeaux est une preuve et une contrepartie du succès de notre ville. Ni l’angélisme libéral, ni le catastrophisme résigné de sont des solutions. Pour maîtriser le marché de l’immobilier, implacablement organisé autour de la loi de l’offre et de la demande, Bordeaux doit construire différemment mais CONSTRUIRE pour contenir les prix !

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