Les bordelais, comme les français, sont très largement passionnés d’histoire. Et ils étaient venus nombreux hier soir, pour l’inauguration des “Archives de Bordeaux Métropole”, un moment exceptionnel à plus d’un titre.

Il n’est en effet pas courant d’inaugurer un bâtiment d’archives, car ils sont conçus pour durer longtemps. A Bordeaux, depuis que les Archives disposent de locaux en propre, le rythme des inaugurations est d’environ tous les 75 ans : 1865, 1939 et 2016.

Le précédent hôtel des Archives, inauguré le 15 avril 1939, était installé dans l’hôtel de Ragueneau, alors entièrement restructuré par Jacques d’Welles. Le temps passant et le volume des archives historiques s’accroissant, de 3 kml en 1939 à 13 en 2016, le vieil hôtel des archives avait complètement atteint ses limites et ce dès les années 1980. Il était donc saturé et sans possibilité d’extension in situ. De plus, il n’était plus adapté aux exigences d’un service d’archives moderne : pas de contrôle climatique de la conservation, plus de salle d’exposition depuis les années 1990, un espace public très réduit, pas aux normes d’accessibilité.

En 2006, la relocalisation des Archives s’est ainsi imposée comme une évidence. Le choix s’est porté sur la rive droite, au cœur de ce qui est aujourd’hui la ZAC Bastide-Niel, en plein et prometteur devenir. Les Archives deviennent ainsi le grand équipement culturel de la rive droite.

L’équipement se devait d’être à la hauteur de ce qu’il conserve : ce « Trésor de la Ville », comme la Jurade appelait ses archives sous l’Ancien Régime. Le lauréat du concours international, Paul Robbrecht, a proposé un concept architectural original, inscrivant les Archives dans la vocation d’entrepôt de l’ancienne halle des magasins généraux. La salle de lecture est sans aucun doute le point d’orgue de ce projet épuré, moderne, fonctionnel. Par sa monumentalité à échelle humaine, elle offre au chercheur des conditions de travail optimal en termes de confort, de calme, de sérénité.

Paul Robbrecht a su également relever un défi d’importance : concilier les impératifs de conservation, gourmands en énergie, avec ceux du développement durable. La géothermie (30 sondes sous ce parvis alimentent une gigantesque thermo-frigo-pompe) rend l’hôtel des archives complètement autonome pour sa production de chaleur et de froid.

Les magasins de conservation, d’une capacité totale de 18 kml, accueillent dans des conditions optimales les précieuses archives historiques. Ces fonds s’enrichissent tant par les versements des archives définitives de l’administration que par les dons de généreux donateurs qui n’hésitent pas à nous confier leurs archives privées (3 kml sur 13) pour qu’elles contribuent à l’approfondissement de la connaissance historique. Il convient de remercier les nombreux donateurs.

La volonté d’ouvrir largement les Archives sur la Cité passait par une certaine désacralisation de ce lieu de savoir et d’érudition. La salle de lecture s’ouvre ainsi sur ce vaste parvis, dont l’animation est l’un des objectifs du DOC. Il s’agit aussi, bien sûr, de convier les publics les plus larges et les plus divers à s’approprier les Archives. Pour ce faire, a été mis en ligne en septembre 2014 leur site Internet qui rencontre déjà un vif succès alors que l’état civil ancien de Bordeaux y est progressivement mis en ligne dans le cadre d’un plan quadriennal qui s’achèvera en 2017 avec les registres paroissiaux.

Au-delà du site Internet, qui témoigne de l’entrée dans l’ère numérique de ce vénérable établissement, cette ouverture va désormais pouvoir trouver les espaces dont elle avait besoin pour accueillir largement le public : une salle d’exposition, une salle de conférences de 100 places modulable en deux salles pour recevoir les scolaires et les étudiants en ateliers pédagogiques, mais aussi des groupes de tous âges. Il est essentiel, en ces temps troublés, que ce patrimoine exceptionnel contribue à la formation civique des citoyens, à l’éveil des consciences à notre bien commun le plus précieux : la liberté qui ne peut s’épanouir que dans le cadre de la démocratie. A cet égard, afin de toucher les publics connectés d’aujourd’hui et tout particulièrement les jeunes générations, les Archives vont poursuivre leurs actions innovantes, au-delà de la seule numérisation : les ateliers pédagogiques numériques dont elles furent pionnières dès 2005, tout récemment les expérimentations du principe de réalité augmentée développé par un studio bordelais, le Studio 2Roqs de Michaël Zancan.

C’est du reste dans ce cadre de développement des nouvelles technologies de l’information au service de l’accueil et de la formation des publics que la Région Aquitaine a apporté son soutien financier au projet.

Alors même que l’engouement du public pour l’Histoire n’a jamais été aussi vif, ce nouvel équipement a pour vocation de fédérer de nombreux acteurs culturels du territoire. Déjà, deux associations prestigieuses ont leur siège aux Archives. La Société d’histoire de Bordeaux qui publie depuis sa fondation en 1908 la Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, et poursuit avec dynamisme ses activités sous la présidence de Séverine Pacteau de Luze. La Mémoire de Bordeaux Métropole, qui depuis sa création en 1987 par Jacques Chaban-Delmas, et dont Jean-Paul Avisseau, ancien directeur des Archives de la Ville, a été l’un des éléments moteurs, apporte une contribution majeure, sous la présidence de Marc Lajugie, à la connaissance de l’histoire contemporaine de la métropole.

Cette inauguration était également exceptionnelle car elle est aussi l’inauguration d’un grand service commun dont le champ de compétence et le périmètre territorial d’étendent, depuis le 1er mars, à l’ensemble de la métropole. Ce service mutualisé, Archives Bordeaux Métropole, regroupe dès à présent les archives de Bordeaux, de Bruges, de Pessac et de Bordeaux Métropole. D’autres communes de la Métropole ont déjà manifesté leur intérêt pour le rejoindre en cycle 2 et en cycle 3. L’union fait la force : le regroupement au sein d’un service de professionnels permet une montée en puissance de son expertise, indispensable notamment à l’heure de relever le défi des archives nativement électroniques. Depuis quatre ans, les Archives de Bordeaux participent activement, en étroit partenariat avec la direction générale de l’informatique, à l’élaboration, avec le département de la Gironde, d’un système d’archivage électronique mutualisé, dont la mise en production commencera en juin. Ce grand projet a été sélectionné par les Archives de France pour son caractère innovant. Remercier le directeur des Archives de France pour ses subventions.

Pour conclure sur cette inauguration, j’ai la conviction qu’un tel service doit jouer un rôle fondamental dans les questionnements contemporains qui sont ceux de la France et des français. Nos doutes sur l’avenir doivent aussi nous conduire à regarder notre passé, à nous souvenir. Bordeaux ouvre aujourd’hui un nouvel équipement culturel profondément moderne et solidement ancré dans sa mémoire.

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