Discours prononcé lors de la cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage et de la traite négrière 2016 à Bordeaux (seul le prononcé est opposable) :

Monsieur le Préfet,
Madame la Conseillère Régionale,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de vous dire mon émotion lors de cette cérémonie où j’ai l’honneur de représenter Alain Juppé, Maire de Bordeaux, et l’ensemble du Conseil Municipal.

Depuis le 10 mai 2007, à l’initiative de Jacques Chirac, la France célèbre la journée consacrée à la mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions.

Bien évidemment la Ville de Bordeaux s’associe à cet hommage. Notre cité, fut, entre le 17ème et le 19ème siècle, un port négrier actif, avec plusieurs centaines de navires armés pour la traite.

La traite négrière par le caractère systématique qu’elle a revêtu et par son extension géographique a exercé une influence sur l’évolution du monde. Le commerce triangulaire a été une entreprise de déshumanisation qui a duré plusieurs siècles, et à l’échelle de plusieurs continents. Un drame qui a vu la déportation en masse d’hommes, de femmes et d’enfants arrachés à leur terre et aux leurs.

Cette tragédie a eu des échos, en Occident notamment elle a donné corps à des thèses racistes en contradiction absolue avec les idées des Lumières.

Les effets de l’esclavage continuent de peser à tous les égards sur l’existence des descendants d’esclaves et de meurtrir leur conscience, c’est pourquoi ce travail de mémoire est indispensable. Pour vaincre les préjugés, il faut lutter contre l’ignorance, contre l’oubli.

Bordeaux regarde son histoire en face.

Alain Juppé a souhaité engagé une « politique de la juste mémoire » pour reprendre une expression du philosophe Paul Ricoeur.

Plusieurs initiatives de la municipalité ont jalonné le parcours :

• en 2003 : plaque commémorative sur l’immeuble du 44 rue Fondaudège qui fut la dernière résidence du fils de Toussaint Louverture, Isaac.

• 10 juin 2005 : inauguration à la Bastide du square Toussaint Louverture, en présence de la Ministre de la culture d’Haïti.

• 10 mai 2008 : visite à Bordeaux de la gouverneure du Canada, Michäelle Jean qui commence son discours par cette adresse bouleversante : “Moi, arrière, arrière petite fille d’esclave, aujourd’hui à Bordeaux qui fut un grand port négrier, et j’en suis fière.”

La Ville de Bordeaux a franchi une nouvelle étape et a mis en place le 18 juillet 2005 le Comité de Réflexion et de propositions sur la Traite des Noirs à Bordeaux.

En mai 2009, le musée d’Aquitaine a rénové ses salles consacrées au XVIIIe siècle en accordant une place importante à la traite des Noirs et à l’esclavage et au rôle que la ville de Bordeaux a joué dans cette histoire. Intitulées « Bordeaux, le commerce atlantique et l’esclavage », ces salles connaissent une fréquentation très importante.

Ces actions en faveur d’un travail de mémoire ont été initiées et elles seront poursuivies. A travers le souvenir de l’esclavage et de ses abolitions c’est aussi la diversité que nous célébrons aujourd’hui. Une diversité ferment d’unité.

Les chemins de Bordeaux et de l’Afrique se sont croisés voici plusieurs siècles pour nouer à jamais une communauté dont nous sommes tous les héritiers et qui constitue une chance formidable pour notre ville. Le 30 avril dernier Bordeaux a accueilli la 4ème édition de la Journée Nationale des Diasporas Africaines.

Je vous remercie M. le Recteur d’avoir participé à l’élaboration de la cérémonie cette année (3 collèges de l’agglomération feront diverses animation musicales et chansons).

Je remercie également les associations qui participent aux commémorations cette année: ACM, MC2A, L’A COSMOPOLITAINE, MEMOIRES ET PARTAGES, LES AMIS DU CLOWN CHOCOLAT, LA LICRA, CAOMA.

Sachez que le programme est consultable sur bordeaux.fr

La République se construit aussi par la Mémoire. Alain Juppé a souhaité que la Ville puisse aller plus loin dans le travail de pédagogie et que des propositions lui soient faites dans ce sens par une nouvelle commission de réflexion sur la traite négrière et l’esclavage. Composée d’universitaires, d’institutionnels et de Karfa Diallo, elle procédera à l’audition de tous les acteurs engagés et lancera une enquête en ligne, avant de remettre ses conclusions à la fin de l’année. Elle a été présentée le 3 mai dernier lors de la cérémonie d’ouverture des commémorations.

Pour conclure, je tiens à rappeler que la traite négrière est probablement la tragédie qui a concerné le plus de sociétés, de pays et qui a duré le plus longtemps dans l’Histoire. Pourtant elle ne constitue qu’un épisode particulier d’un phénomène plus large, l’esclavage, qui traverse les époques depuis la plus haute antiquité jusqu’à nos jours. Aujourd’hui celui-ci persiste sous de nouvelles formes notamment le travail forcé, qui représente selon les Nations Unies 21 millions de personnes, mais aussi le travail des enfants, la prostitution, l’immigration clandestine… Aussi si le combat de l’abolition est achevé, celui du respect de la liberté et de la dignité de la personne humaine doit se poursuivre.

« Disons nous et disons à nos enfants que tant qu’il restera un esclave sur la surface de la Terre, l’asservissement de cet homme est une injure permanente faite à la race humaine toute entière ». Victor Schoelcher

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